Philippe Folliot (Alliance centriste, 1ère circonscription), Jacques Valax (P.S., 2ème circonscription) et Linda Gourjade (P.S., 3ème circonscription) ont été élus députés dans le Tarn dimanche 17 juin, à l’issue du second tour des élections législatives [tous les résultats ici]
Premier scrutin à se dérouler dans le cadre des nouvelles circonscriptions re-découpées en 2010, ces législatives 2012 permettent dans le Tarn à la gauche d’augmenter, proportionnellement, sa représentation à l’Assemblée (2 sièges sur 3 au lieu de 2 sur 4 en 2007) et constituent un revers important pour l’U.M.P. (aucun représentant de la droite « classique » à l’Assemblée pour la 1ère fois depuis 1981).
Ce bilan départemental favorable à la gauche dissimule des situations plus contrastées, circonscription par circonscription, d’autant que dans deux cas sur trois le résultat s’est joué à très peu de voix (784 dans la 1ère, 303 dans la 3ème).
Pour Philippe Folliot et Linda Gourjade, victoire sur le fil
Dans la 1ère circonscription (Castres – La Montagne – Albi), apparemment placé devant une équation impossible à résoudre, Philippe Folliot (député sortant de l’ancienne 3ème circonscription, Alliance centriste) a été élu avec 50,79 % des suffrages exprimés. Pourtant, à l’issue du 1er tour, avec 24,62 % des voix, il se retrouvait distancé de plus de 11 % par son concurrent socialiste, Gérard Poujade, et ne bénéficiait d’aucun désistement en sa faveur.
Le candidat U.M.P., Richard Amalvy (15,83 %) avait officiellement appelé à voter blanc mais concrètement mené campagne contre Philippe Folliot entre les deux tours. Que s’est il passé ? Visiblement, les consignes d’état major n’ont pas été suivies, particulièrement dans les cantons ruraux ou semi-ruraux (les contreforts, protestants, du Massif central et la plaine réalmontaise par exemple) de la circonscription. Le candidat socialiste a de plus, échoué à capitaliser sur son nom les votes de gauche au second tour. Ainsi, au Séquestre, dont il est le Maire, Gérard Poujade ne retrouve pas les voix de toute la gauche quand Philippe Folliot fait plus que doubler son score de 1er tour pour finalement arriver en tête de quelques voix.
Dans la seconde circonscription (Albi-Carmaux-Gaillac-Graulhet), l’élection de Jacques Valax est nette (66,66 %) mais l’événement du second tour est la forte progression de son adversaire Front National, Marie-Christine Boutonnet. Celle ci, avec 19 461 suffrages obtient un résultat pas très éloigné du total des voix « Droite classique » + Front National du 1er tour (21 250) dans un contexte de fort reflux de la participation (moins 4816 suffrages exprimés). En pourcentages, la candidate frontiste retrouve même quasiment avec 33,33 % des voix, le total droite-F.N. du 1er tour (33, 60 %).
Il ne s’agit plus de porosité entre les « deux droites » mais de vases communicants. A Gaillac et Graulhet, communes aux municipalités contrôlées par le Parti Socialiste, le Front National tangente les 40 % des suffrages. Constat complémentaire : dans des terres électorales traditionnelles de la gauche (cantons de Carmaux) M.C. Boutonnet obtient (en pourcentages) un résultat supérieur au total droite-F.N. du 1er tour… La porosité ne se situe pas qu’à droite.

Dans la 3ème circonscription (Castres-Lavaur-Mazamet), la victoire de Linda Gourjade (50, 25 %) est étroite mais très symbolique. La candidate socialiste a devancé le Président de l’U.M.P. départementale, Bernard Carayon, alors même que sa légitimité de candidate avait été fortement contestée à gauche au 1er tour : Didier Houlès, important notable socialiste local (Maire et Conseiller général d’Aussillon, canton Mazamet Sud Ouest) avait été candidat dissident, estimant être le seul à pouvoir « battre Carayon ».
Les séquelles des divisions à gauche au 1er tour sont clairement repérables au second tour : par rapport au total des voix de gauche, Linda Gourjade perd près de 200 voix dans le canton de Mazamet Sud Ouest, où la participation est en net reflux et où Bernard Carayon fait, lui, plus de voix que le total Droite-F.N. A Lavaur, où les leaders locaux du P.S. s’étaient fortement engagés pour Didier Houlès au 1er tour, Linda Gourjade est devancée dans tous les bureaux de vote, y compris ceux traditionnellement de gauche (quartier du Pigné).
Pour sa part, Bernard Carayon, membre de la Droite Populaire, aile « nationale » de l’U.M.P., a bénéficié d’un très bon report des voix qui s’étaient portées sur le candidat Front National au 1er tour, notamment à Castres et Mazamet. A Lavaur, dont il est le Maire, Bernard Carayon avait réussit dès le 1er tour à capter plus de la moitié des voix Front National (le candidat F.N. y avait réalisé un résultat plus de deux fois moindre que sur l’ensemble de la circonscription). La nouvelle députée doit sans doute sont élection aux électrices et électeurs de Saint Sulpice (commune de son suppléant, le docteur Christian Cayla) où elle devance son adversaire de 700 voix (60, 70 %) et de Puylaurens où elle gagne près de 400 suffrages par rapport au total des voix de gauche du 1er tour. A Puylaurens, au 1er tour, Anne Lapérouze, Maire et candidate Modem, avait obtenu 685 voix.
A droite et à gauche : les enseignements du scrutin
Au terme de ce dernier round électoral du printemps, il est un premier constat qui, pour désormais « banal » (et non : normal) qu’il paraisse, doit nourrir l’inquiétude : une nouvelle fois, la participation au scrutin a été en baisse, dans chacune des circonscriptions, quel que soit l’enjeux. Ce recul civique est signe d’insatisfaction et confirmation qu’un véritable délitement démocratique est à l’œuvre. La nouvelle majorité parlementaire, qui bénéficie d’importantes marges de manœuvres tant elle détient désormais de leviers institutionnels, devrait en tirer une conséquence majeure : il est important de changer les conditions du scrutin législatif (qui est, compte tenu des pouvoirs constitutionnels du Parlement, le plus important et qui se trouve, dans les faits, renvoyé au statut de scrutin second), celles du débat public (dont les termes sont très appauvris) et les comportements du « personnel politique ».
Autre constat majeur après ce scrutin dans le Tarn : les deux leaders des deux partis autour desquels se structure la vie politique tarnaise, Gérard Poujade, 1er secrétaire fédéral du Parti Socialiste, et Bernard Carayon, Président départemental de l’U.M.P. ont été désavoués par les électeurs(trices)… Que ces deux partis soient ainsi décapités amorce peut-être une nouvelle donne politique générale dans le Tarn.
Ainsi, malgré sa situation dominante, le Parti socialiste a remporté une victoire incomplète qui, comme la nuée, peut porter l’orage. Lequel pourrait éclater à l’approche du prochain congrès, à l’automne. Les tensions entre personnes étaient palpables dimanche soir au siège du P.S. après l’annonce des résultats (et de la défaite de Gérard Poujade) et laissent augurer de combinaisons délétères comme savent en jouer les socialistes d’appareil. La politique du pire pratiquée par beaucoup dans la 3ème circonscription (à l’image de Didier Houlès, qui n’a entre les deux tours fait aucun geste réel de soutien à Linda Gourjade) aura des conséquences.
A droite, un peu comme le voudrait la légende d’un Attila des temps modernes, Bernard Carayon n’a rien laissé pousser depuis près de deux décennies et, maintenant que son « chef » a été défait, l’U.M.P. est exsangue. Au fil du temps, quelques unes de ses figures majeures l’ont quittée (Philippe Bonnecarrère, Maire d’Albi, ancien député gaulliste, désormais divers droite) où sont retournés dans l’ombre (Olivier Brault, secrétaire général de l’U.M.P. 81 jusqu’en 2011, adjoint au Maire d’Albi). Le bonapartisme n’a jamais pris racine dans le Tarn. Dans ce département, on a le goût pour les situations complexes à l’opposé des confrontations simples (pour preuve cette fois encore : la ré-élection de Philippe Folliot). La pratique impériale de Bernard Carayon a semblé réussir à contre courant de cette tradition départementale. Elle a atteint ses limites. Sur le champ de ruine qu’est l’U.M.P. dans le Tarn, le risque est désormais de voir le Front National agrandir sa « petite boutique » prospère…
Il y a peu, on a retrouvé cette sorte de maxime, recopiée sur un cahier, dont on ne sait plus de qui elle est : « La politique étourdit ses drogués par une imperceptible accoutumance à l’inauthentique qui finit par les brouiller avec le réel de la vie ». A méditer, aux lendemains de ces législatives, par les « grands » politiques tarnais.
Photos (c) Jean Sol pour Dans Ton Tarn