Dans le Tarn, les résultats du 1er tour des élections législatives, qui a eu lieu le 10 juin, laissent ils présager une victoire des candidats socialistes dans tous les « matchs » qui se livreront au second tour, le 17 juin ? Le scrutin promet d’être en tout cas serré dans deux des trois circonscriptions. Et seul le P.S. est en lice dans chacune d’elle. L’U.M.P. n’est plus représentée que dans la 3ème circonscription (Mazamet – Castres – Lavaur). Un candidat se revendiquant du Centre est présent dans la 1er circonscription (Castres – Albi – la Montagne). Et pour la première fois, le Front National atteint un second tour législatif dans le Tarn, dans la 2ème circonscription (Albi-Carmaux-Gaillac-Graulhet), ce que seuls deux candidats frontistes parviennent à faire en Midi Pyrénées.
Ces constats sont les signes d’une évolution importante de l’équilibre des forces politiques dans notre département : à l’inverse du phénomène de bi-polarisation visible dans les résultats nationaux, si à gauche le Parti Socialiste demeure « dominateur » (mais peut-être l’est il en géant au pieds d’argiles), la fin de l’hégémonie d’un parti sur la droite de l’échiquier politique tarnais se lit clairement dans les résultats du 10 juin. Clairement aussi, on voit qu’un boulevard s’ouvre devant le Front National, seul sans doute à pouvoir totalement se réjouir des résultats de dimanche dernier. Malgré la forte abstention.
La montée préoccupante de l’abstention
C’est en effet le premier enseignement du scrutin. La participation a reflué très nettement par rapport au scrutin présidentiel de mai (- 18 %) dernier ainsi que, moins sensiblement, par rapport aux élections législatives de 2007 : selon les circonscriptions l’abstention est de 34,26 % à 36,50 % ; elle était de 31,54 % à 33,81 % au 1er tour des législatives en 2007. L’accentuation et le caractère durable de l’abstention au scrutin législatif, placé cinq semaines après une élection présidentielle qui est désormais le seul scrutin à mobiliser fortement l’électorat, est la marque d’un décalage entre les citoyens et les institutions politiques du pays : quoi qu’on en dise, le texte de la Constitution de la Vème République est celui d’un régime parlementaire (rationalisé pour éviter l’instabilité ministérielle, amendé pour donner, à partir de 1962, une légitimité citoyenne au Président de la République) dans lequel l’Assemblée fait la loi, contrôle et peut renverser le gouvernement ; dans la pratique, le personnel politique en a personnalisé le fonctionnement autour de la figure présidentielle ; et désormais le corps électoral ne se mobilise plus pour l’élection des députés.
Un paysage politique tarnais fragmenté
L’autre grand enseignement du vote tarnais le 10 juin est que le paysage tarnais c’est donc sans doute « complexifié » et non bi-polarisé. Du fait de l’effacement de l’U.M.P. (sauf dans la 3ème circonscription). C’est cette donnée en tête qu’on peut examiner la situation circonscription par circonscription dans la perspective du scrutin du 17 juin.
Dans la 1ère circonscription (Albi-Castres-La montagne)
Ici, Gérard Poujade (P.S., 35, 71 %) et Philippe Folliot (Alliance centriste, 24, 62 %) se sont qualifié pour le second tour. Les autres candidats sont éliminés. L’U.M.P., qui a présenté le 10 juin un candidat absent de la vie politique depuis quatre ans (avec un suppléant qui n’y jouait lui aussi plus aucun rôle depuis les années 90), semble n’avoir voulu jouer dans cette circonscription qu’un rôle de « nuisance » à Philippe Folliot, qui s’était opposé au Maire U.M.P. de Castres au scrutin municipal de 2008 et dont les différents avec Bernard Carayon, Président de l’U.M.P. dans le Tarn, sont connus.
La polémique d’entre deux tours entre Philippe Folliot et U.M.P. tarnaise sur l’existence où non d’un soutien de l’U.M.P. nationale au candidat Alliance centriste est un signe supplémentaire de cette brouille. Dans ce contexte, et au vu du rapport de force gauche-droite du 1er tour (total gauche : 46,40 %), Philippe Folliot ne peut compter que sur son « équation personnelle » pour l’emporter le 17 juin. Celle ci existe : très peu de candidats ayant soutenu Français Bayrou à l’élection présidentielle en avril-mai dernier peuvent faire état d’un résultat à deux chiffres le 10 juin. Dans la 1ère circonscription, Françoise Rodet (Modem) a obtenu 3,50 % et dans la 3ème, Anne Laperrouze (Modem) a totalisé 5,20 %.
Cette équation personnelle peut s’avérer insuffisante, d’autant plus que le Front National, même s’il n’a pas franchit le seuil nécessaire pour se maintenir, à multiplié ici par quatre sont résultat de 2007 (13,20 % le 10 juin), sans donner de consigne de vote, critique fortement certaines positions iconoclastes (pour son camp) de Philippe Folliot (pour le droit de votes des étrangers aux élections locales).
Dans la 2ème circonscription (Albi-Carmaux-Gaillac-Graulhet)
Au vu des résultats du 10 juin, la réélection de Jacques Valax, député socialiste sortant, s’effectuera « dans un fauteuil » le 17 juin. Il a en effet été à un peu plus de trois points de la victoire au 1er tour (46,50 %). Dimanche, il sera opposé à la seule Marie-Claude Boutonnet, candidate du Front National, 17,44 %) qui a devancé de peu Henry Del Rey, soutenu par l’U.M.P. (16,16 %). Ce dernier ne donne pas de consigne de vote pour le second tour.
L’enjeu du second tour de scrutin ici est le suivant : la candidate Front Nationale stagnera-t-elle au niveau atteint au 1er tour, où verra-t-elle des électeurs d’Henry del Rey (ou d’autres) au 1er tour la rejoindre. La « porosité » entre U.M.P. et F.N. qu’évoque certains analystes pourra être clairement mesurée. La configuration dans cette circonscription permet d’ors et déjà de repérer une des causes de la progression frontiste : l’absence de débat politique véritable. Le Parti Socialiste est en situation hégémonique et les autres forces politique républicaines ont renoncé à se confronter à lui. L’U.M.P. a seulement « soutenu » un candidat qui n’était pas issu de ses rangs. Le Front de gauche a présenté un candidat de témoignage, André Boudès, là où en 2007 le Parti Communiste avait investi une des ses personnalités départementales, Roland Foissac. Celui ci avait totalisé plus de 14 % des voix alors que le Parti Communiste était à son étiage le plus bas. André Boudès atteint cette année péniblement 8 % des voix. A Carmaux même, il est devancé par la candidate Front Nationale. C’est un enseignement : quand les forces politiques classiques renoncent, le Front National progresse.
Dans la 3ème circonscription (Lavaur Castres – Mazamet)
Un redécoupage ne fait pas l’élection, écrivait-on à la veille du 1er tour. En effet : ce sont les électeurs qui font leur choix. Bien qu’arrivé en tête, Bernard Carayon, député U.M.P. sortant (33, 50 %) perd près de 10 points par rapport à 2007 alors que la circonscription a été augmentée de cantons de Castres réputés « de droite ». Autre motif de fébrilité pour Bernard Carayon : alors que la gauche parlementaire avait réussi le tour de force de présenter quatre candidats, les électeurs(trices) ont placé l’une d’entre eux, Linda Gourjade (P.S., 24,50 %) nettement devant les autres, avec un résultat pas très éloigné de celui de la candidate socialiste de 2007 (Monique Collange, 29 %). L’intelligence collective des citoyen(ne)s de gauche dans cette circonscription a déjoué les jeux « mortifères » de leurs responsables.
Il reste que les divisions du 1er tour peuvent laisser des traces : 72 h après le 1er tour, Didier Houlès (Divers gauche, 13,88 %) n’avait toujours pas publié de communiqué de soutien à Linda Gourjade ni pris contact avec elle. Devant un total des voix de gauche élevé (47,04 %), Bernard Carayon doit tabler pour être réélu sur un report intégral des voix qui se sont portées sur le candidat Front National, J.P. Piloz (13,43 %) et d’une forte proportion de celles d’Anne Laperrouze (Modem, Alliance centriste 5,50 %). Une perspective que ne dessinent pas les prises de position depuis dimanche de ces deux candidats : bien que Bernard Carayon soit membre de la Droite Populaire (partie la plus « nationale » de l’U.M.P.) le premier ne donne aucune consigne ; la seconde a fait connaître son soutien à… Philippe Folliot, candidat dans la circonscription voisine, dont on à évoqué plus haut les différents avec Bernard Carayon.
Pour une U.M.P. en déshérence sur les 1ère et 2ème circonscriptions, comme on l’a vu, la défaite de son Président départemental dans la 3ème ouvrirait une période de décomposition-recomposition de la droite tarnaise. Même si 3 députés socialistes sont élus (ce qui n’est pas certain) c’est ainsi bien un paysage politique tarnais plus fragmenté qui pourrait « sortir des urnes » le 17 juin.
photo (c) Jean Sol pour DTT
les résultats complets du premier tour des législatives dans le Tarn ici